Sur les Prisons, les Grâces, Porto Rico et le WRI

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Matt Meyer 

Traducteur: Louis Carole

Quasiment mon tout premier acte en tant que personne manifestement politique fut de contester-puis défier publiquement-ce qui semblait une loi américaine injuste. A l’âge de 17 ans, j’ai déclaré que je refuserais de m’enregistrer pour une conscription militaire qui pourrait m’envoyer en Amérique Centrale ou ailleurs, combattant des gens et des idéaux contre lesquels je n’avais absolument rien. Malgré la possibilité de 5 ans de prison, mon refus m’a rendu considérablement plus fort, et il reste l’un des plus grands moments de fierté de ma vie. Il y a quelque chose de très libérateur dans le fait de résister ouvertement à ce qui semble un pouvoir invulnérable, impénétrable et dans le fait de « vivre pour combattre un autre jour », que ce soit derrière les barreaux ou non. Edward Snowden a sans aucun doute raison  :tout mouvement pour le progrès doit impliquer la contestation de lois injustes et/ou de la mise en place injuste de lois potentiellement acceptables corrompues par des nations-empires injustes et oppressives.

Ce ne fut pas une suprise si, à la fn de son mandat en tant que Président des États-Unis, Barak Obama a accordé la grâce à un certain nombre de personnes incarcérées. Que l’une de ces personnes soit le résistant militaire et lanceur d’alerte Chelsea Manning était un peu plus surprenant ; le cas de Manning était assez clair, bien que des stricts défenseurs de la liberté d’expression se soient associés à des militants anti-guerre pour monter une formidable campagne en faveur de l’ancien analyste du renseignement militaire transgenre.Condamné à 35 ans de prison pour violation de l’Espionage Act , Obama a diminué sa peine en 4 ans effectifs derrière les barreaux.<--break->

Plus surprenante encore fut la décision de libérer le prisonnier politique Porto Ricain Oscar Lopez Rivera, le prisonnier détenu le plus longtemps dans l’histoire des relations États-Unis- Amérique Latine. Contrairement à des déclarations mal informées , Lopez Rivera n’a jamais été condamné pour participation à un crime violent, et n’a pas refusé de renoncer à la violence lorsque le Président Clinton a proposé de le gracier lui, et d’autres nationalistes Porto ricains en 1999. L’offre faite par Clinton demandait que ce militant-condamné uniquement pour le « délit d’opinion » de conspiration séditieuse- fasse plus de temps que ses co-défenseurs, et laissait deux d’entre eux en dehors de l’accord. Maintenant que tous ses compagnons compatriotes ont été libérés, son emprisonnement continu était des plus hyprocrite. Le fait que Lopez Rivera ait appartenu à une organisation qui a eu des responsabilités dans des actes illégaux ne fait pas de chaque membre du groupe un criminel ; ce n’est simplement pas la façon dont le système législatif américain fonctionne. Mais ce n’était surtout pas sur des bases légales qu’Obama a établi sa commutation

Ne vous y trompez pas. Malgré l’implication grandissante d’un soutien profondément religieux de toutes les principales traditions religieuses rassemblées pour libérer Oscar , malgré l’influence de personnes bien informées pressant Obama pour une grâce totale – la libération d’ Oscar Lopez Rivera est basée sur « notre » travail stratégique. La victoire du 17 janvier 2017- l’obtention de la grâce pour l’homme encore désigné par les grands médias comme le cerveau des Forces Armées de La Libération Nationale- est essentiellement basée sur un engagement toujours maintenu, simple mais inconditionnel, pour lequel nous nous sommes battus vigoureusement durant des décennies, porte après porte, communauté après communauté, e-mail après e-mail ( ou tweet après tweet) construisant une énorme campagne populaire déterminée .

Je mets le mot « notre » entre guillemets parce que, bien sûr, la campagne internationale pour libérer Oscar était une perspective sur des décennies impliquant de nombreuses personnes, et particulièrement centrée sur le travail sur l’île en lui-même. Il est vrai qu’Oscar a gagné le respect et le soutien d’une demi-douzaine de lauréats du Nobel, dont l’Archevêque Desmond Tutu d’Afrique du Sud, des chefs d’État à travers l’Amérique du Sud qui l’ont surnommé « le Mandela des Amériques » en des termes plus que rhétoriques. Le calme et la résistance d’Oscar, sa capacité à évaluer les dilemmes personnels de l’incarcération continue et des besoins et désirs politiques de la majorité de ses compatriotes Porto Ricains a été rien moins que semblable à Mandela dans sa portée et sa force. Les Nations Unies elles-mêmes, un corps de bureaucratie et complexité presque incommensurable, s’est intéressée à Oscar, son Comité de Décolonisation promettant de lui rendre visite cette année s’il n’était pas libéré. La Communauté de Réconciliation, le Comité de Service des Amis Américains, Pax Christi International, et d’autres groupes connexes ont joué un rôle vital. Mais il est aussi important de noter le rôle à long terme et historique que War Resister’s International (WRI) a directement joué dans la campagne pour l’amnistie inconditionnelle d’Oscar.

Le Comité PortoRicain pour les Droits de l’Homme a été fondé par le sociologue renommé, éducateur et auteur Luis Nieves Falcon, qui a abandonné une carrière prestigieuse pour obtenir un diplôme de droit et travailler à plein temps en tant que conseiller et organisateur pour la bonne douzaine de militants de l’indépendance incarcérés au debut des années 80. En tant qu’architecte de la campagne internationale d’amnistie, Nieves Falcon, associé au frère d’Oscar basé à Chicago qui pilotait le travail parmi la diaspora Porto Ricaine vivant aux États-Unis, a développé un noyau dur de fidèles organisateurs qui développaient les aspects variés de l’effort de libération.

Du début des années 90 jusqu’à aujourd’hui, j’ai servi de lien principal entre les organisations du mouvement global pour la paix, les groupes religieux interconfessionnel et la communauté des lauréats du Nobel, et nous avons formellement lancé les efforts pour obtenir un large soutien au sein de ces cercles à la Triennale de WRI au Brésil en 1994. Au fil des ans, beaucoup de tribunaux, conférences et manifestations se sont tenues dans le monde entier avec la présence de représentants de WRI dans le cadre de l’effort de solidarité. En 2002, cependant, peu après que les douze prisonniers politiques Portoricains aient été libérés par le Président Clinton et alors que la campagne pour Oscar se mettait en marche, le Dr Falcon fit une présentation plénière à la Triennale de WRI à Dublin, en Irlande.

Quand nous considérons ce qui entre dans la définition de « prisonniers de conscience » ou prisonniers pour la paix, il est parfois difficile de naviguer le spectre tactique où le coeur ou la tête d’un individu peut mener. Lors de la conférence du WRI en Inde de 2010, par exemple, une pétition avec la peinture à l’huile faite par Oscar de Mohandas Gandhi a circulé, et été signée par la plupart des participants. Soulignant que Gandhi n’aurait pas été un choix pour Oscar quand il a été arrêté pour la première fois en 1987, mais sa connaissance et son respect pour le leader de l’indépendance Indienne s’est dévéloppé au fil du temps. La fille d’Oscar, et l’une des porte-paroles clés pour la campagne, Clarissa Lopez, fut une participante active de la conférence de WRI en Afrique du Sud, en 2014, où -entre autres choses-elle a pu rencontrer l’Archevêque Tutu et le remercier pour son soutien constant ( sollicité à l’origine lorsqu’il occupait la chaire de la Commission Vérité et Réconciliation d’Afrique du Sud).

D’innombrables événements , e mails, lettres, pétitions, articles de presse et actualisations ont été rassemblées par les membres de WRI, les sections, les partenaires et amis, en un tout, incluant le travail à plusieurs reprises pour se préparer et mettre en œuvre de la désobéissance civile. À chaque étape, une lettre seule ou une pétition signée, un petit événement solitaire ou même la participation à une grande conférence, ne semblaient pas tout à fait suffisants; mais à la fin, nous avons gagné.

D’un point de vue,organisationnel, nous avons réalisé que pour prévoir une victoire concrète, nous devrions penser différemment …. ?; nous devrions analyser notre contexte géo-politique particulier du XXIè siècle. Nous avons compris qu’un tel effort devrait être profondément dialectique par nature, ancré sur des objectifs (semblent parfois visionnaires et grandioses )clairs, basé sur une pensée stratégique qui évolue dans le temps à cause des circonstances matérielles changeantes, utilisant une diversité de tactiques initiées/ De plus, l’obtention de grâce pour un homme après 35 ans derrière les barreaux est , en soi, un acte légèrement réformiste, nous savions que le cas d’Oscar avait plus implications de grande portée puisqu’ Oscar l’homme devenait le symbole définitif et la voix d’un peuple tout entier. Plus qu’aucun autre Porto Ricain, il personnifie une unité spéciale qui estime l’intégrité culturelle, la justice pour tous, la démocratie participative populaire, et le pouvoir de l’amour.

En tant que mouvement, nous sommes bien conscients qu’il y aura probablement de futurs prisonniers politiques américains. D’un point de vue internationaliste, nous savons que la répression engendre la résistance et que l’oppression de la période actuelle rendra la rébellion inévitable.

Avec les luttes des années 1960 et 1970 qui s’effacent dans l’histoire, cependant, la liberté pour les anciens emblématiques de cette période qui sont encore derrière les barreaux doit devenir une priorité pour toutes les organisations de paix et des droits de l’Homme. Si nous devons construire des sociétés démocratiques, paisibles et justes, nous savons que la prison ne devrait jamais être un endroit pour aucun artisan de la paix ni militant pour la justice.

Travaillons à une meilleure coordination et unité pour affronter ces moments difficiles, et construisons une conscience , tandis que nous brisons les chaînes des prisons, réelles et figurées, autour de nous.

Matt Meyer travaille en tant que coordinateur du Réseau de Soutien Afrique au sein de l’Internationale des Résistants à la Guerre (WRI) et il est membre du Conseil ainsi que représentant aux Nations Unies de l’International Peace Research Association. Anciennement titulaire d’une chaire à la Ligue des Résistants à La Guerre, il est consultant auprès de l’Université du Massachusetts/Initiative Études sur la Résistance d’Amherst et auprès de l’Université de KwaZUlu/Centre pour la Socité Civile

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