La non-violence renforce une campagne par trois voies :

1. Chez les participant/e/s à une campagne. En favorisant la confiance et la solidarité entre participants, chacun/e touche du doigt les sources de son propre pouvoir pour agir dans une situation. Beaucoup de gens ne savent pas à quel point ils peuvent être créatifs avant de recevoir le soutien des autres pour essayer de faire quelque chose de nouveau.

2. Par rapport à un adversaire de campagne. La non-violence vise soit à inhiber la violence d'un adversaire, soit à s'assurer qu'une répression violente de sa part aura un effet politique de « retour de flamme » à son encontre. Au-delà de cela, elle cherche à saper un des « piliers du pouvoir » institutionnel et oppressif (voir les exercices « Piliers du pouvoir », p. , ou « Spectre des alliés », p. ). Plutôt que de traiter des employé/e/s de nos opposants comme des outils inanimés, la non-violence essaie de créer pour eux les possibilités de remettre en cause leur allégeance.

3. Vis-à-vis d'autres personnes non encore impliquées. La non-violence change la qualité de la communication avec les passants ou les gens « extérieurs » — personnes qui ne s'intéressent pas encore au sujet ou qui ne sont pas actives, qui peuvent être des alliés potentiels.

Flecha : voir l'exercice « Spectre des alliés », p. Le pionnier de la recherche sur la non-violence a été Gene Sharp, qui a suggéré quatre mécanismes de changement chez celles/ceux qui s'opposent à un combat non-violent : a) conversion : en de rares occasions, une campagne va les persuader d'adopter son point de vue ; b) coercition : une campagne peut parfois contraindre des adversaires à faire marche arrière sans avoir emporté leur adhésion sur ce que les militant/e/s considèrent comme bien et mal ; c) arrangement : quand un adversaire cherche d'une certaine façon à « s'arranger » d'une campagne, en faisant une concession sans rien accepter des demandes de la campagne et sans rien lâcher de son pouvoir ; d) désintégration : un mécanisme que Sharp a ajouté après 1989, quand les régimes alignés sur l'URSS avaient tellement perdu de leur légitimité et avaient une si faible capacité d'autorénovation que, face à un défi lancé par le « pouvoir populaire », ils se sont désintégrés. Pour plus de détails, voir « Formes d'action », p. .

La recherche sur la non-violence a tendance à se pencher plutôt sur le dernier état d'un mouvement, notamment sur l'influence qu'il est parvenu à exercer sur celles et ceux qui détiennent le pouvoir. Ce manuel, pour sa part, vise plus à aborder les processus impliqués dans la mise en œuvre de campagnes, dans les solutions apportées concrètement à des questions tangibles, dans l'édification de stratégies de campagne, et dans la préparation et l'évaluation de l'action. Ce que nous écrivons repose solidement sur la pratique des mouvements sociaux, et en particulier sur nos propres expériences avec des mouvements pacifistes, antimilitaristes, contre le nucléaire et pour la justice sociale dans différents pays.