Nonviolence Handbook

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Majken Sorensen

Généralement, on a recours à l'action non-violente pour des questions sérieuses. Envisager une action sous un angle humoristique peut donc sembler être une voie étrange, et non votre première option, pour aborder un sujet. Néanmoins, humour et sérieux peuvent être beaucoup plus intimement liés qu'il n'y paraît à première vue. Le bon humour repose presque toujours sur des contradictions et de l'absurde ; l'action non-violente essaie souvent de montrer la contradiction entre le monde tel qu'il est et tel que nous voudrions qu'il soit. La force de l'humour vient du retournement qu'il opère sur le monde que nous connaissons et du fait qu'il échappe à la logique et au raisonnement qui sont inévitablement à l'œuvre dans le reste de notre existence.

De quelle façon commencer ?

Si l'humour ne vous est pas aisément accessible, ne vous désespérez pas – cela peut s'apprendre. Regardez vos adversaires : s'il y a une contradiction entre ce qu'elles/ils disent et ce qu'elles/ils font, cela ne pourrait-il pas servir de base à une bonne plaisanterie ? Plus vous resterez collé à ce que dit et fait réellement votre adversaire, mieux l'humour fonctionnera. Les dictateurs disent presque tous qu'ils agissent « pour le bien du peuple ». Ce genre d'affirmation peut être contredit par leurs actions.

Recourir opportunément à l'humour

N'en faites pas trop ; l'humour doit être utilisé avec modération et il fonctionne mieux s'il est complété par un message sérieux.

Choisissez avec soin l'objet de votre humour !

Si vous menez une action politique, il vous faut un message politique et vous devez rester dans le sujet. L'apparence des gens, leur façon de parler ou leur sexualité ne sont pas de bonnes accroches. Plaisanter sur ce genre de choses n'est généralement pas un bon moyen pour atteindre d'autres personnes ; de plus, cela distrait l'attention de la question politique que vous voulez soulever. À la fin de cette section du manuel, vous trouverez deux exemples d'actions qui collent à l'objet politique poursuivi et ne font pas dévier du sujet.

Pourquoi recourir à l'humour ?

Recourir à l'humour pour vos actions peut être utile de diverses façons. D'abord, cela devrait être drôle pour celles/ceux qui participent à l'action. L'humour a la faculté de prévenir et de contrarier la lassitude de la/du militant/e, même si ce n'est pas une solution magique.

Utiliser l'humour est aussi un moyen pour avoir plus de chance d'attirer l'attention des médias, des sympathisants potentiels et des spectatrices/-teurs. Sachant qu'elles/ils auront de bonnes photos et une histoire vivante, les journalistes se manifesteront plus vraisemblablement quand vous ferez savoir qu'un événement va se produire. Si vous appartenez à un petit mouvement qui souhaite se développer, l'humour montrera aux membres potentiels que, même si vous travaillez sur un sujet sérieux, vous n'en êtes pas moins capable de profiter de la vie.

La force de l'humour

L'humour est un outil puissant pour établir le contact avec votre adversaire : l'« absurdité » de vos actions modifiera à la fois votre relation et la logique de l'argumentation rationnelle. Tant la police que votre adversaire peuvent éprouver des difficultés à répondre à de bonnes actions humoristiques. Ces dernières peuvent procurer une occasion parfaite pour mettre en place une « action dilemme » : quoi que vos adversaires fassent, elles/ils seront perdants et paraîtront vraisemblablement affaiblis aux yeux des spectateurs et de leurs propres partisans. Mais préparez-vous à des réactions brutales si vous humiliez qui que ce soit. Lorsqu'il est difficile pour vos adversaires de trouver une réaction « appropriée » (adéquate, de leur point de vue), leur frustration peut déclencher une réaction violente.

Exemples d'actions humoristiques

Deux exemples permettent d'illustrer certains des aspects évoqués ci-dessus. Nous ne vous conseillons pas de les copier directement, car il y a des chances que le contexte dans lequel vous vous trouvez soit très différent. Mais elles peuvent montrer à quel point l'humour peut être puissant.

En 1983, en Norvège, un petit groupe d'insoumis intégraux rassemblés au sein du groupe « Campagne contre la conscription » (KMV en norvégien) refusaient tout service, militaire comme civil. Ils voulaient provoquer un débat public pour que soit modifiée la loi qui les condamnait à seize mois de prison. L'État ne voulait pas parler de « prison » et disait plutôt que les insoumis effectueraient « leur service dans une institution administrée par les autorités pénitentiaires ». Pour éviter d'avoir des prisonniers politiques, il n'y avait officiellement ni procès, ni prisonniers, ni peines. Les cas des insoumis intégraux étaient traités par les tribunaux uniquement pour s'assurer de l'identité de l'insoumis et le résultat était toujours identique : 16 mois de prison. Parfois, le procureur ne faisait même pas acte de présence, la conclusion étant dans tous les cas acquise. Le groupe KMV a exploité la chose pour une de ses actions.

Un des militants s'est déguisé en procureur et en a rajouté dans son rôle, en réclamant pour l'insoumis une période d'emprisonnement encore plus longue, eu égard à sa profession (il s'agissait d'un avocat). Durant l'audience, personne n'a rien remarqué d'anormal, en dépit des « excès » du procureur. Une semaine plus tard, KMV a fait parvenir aux médias l'enregistrement vidéo qu'ils avaient tournés en cachette, ce qui a fait bien rire la majorité du public norvégien.

Cet exemple illustre clairement la force propre au retournement. Un ami de l'accusé, jouant le rôle du procureur et demandant un châtiment plus élevé que la loi ne l'y autorise, y parodie le rituel du tribunal. Par cette action, les militants de KMV ont fait la satire de l'absurdité d'une procédure où rien ne peut être l'objet de débats ; ils sont ainsi parvenus à attirer l'attention des médias et des gens « ordinaires ». Outre le fait d'inverser les rôles, la parodie de l'audience a également montré la contradiction entre ce que l'État norvégien disait et ce qu'il faisait. Si les politiques disent que la Norvège est une démocratie et affirment qu'elle n'a pas de prisonniers politiques, pourquoi des gens sont-ils envoyés en prison à cause de leurs convictions ? Et pourquoi cet emprisonnement n'est-il même pas qualifié de peine de prison, mais reçoit une dénomination administrative tenant lieu de service de substitution ? Cette situation est absurde. En la mettant en scène dans un cadre humoristique, KMV coupait court à toute argumentation rationnelle en faisant comprendre aux gens que tout cela n'avait aucun sens.

Dans tous les cas, cette action permet aussi de souligner l'importance pour la/le militant/e recourant à l'humour d'avoir clairement conscience du contexte dans lequel elle/il agit. Si vous souhaitez éviter de longues peines de prison, il n'est pas conseillé d'imiter ce type d'actions.

Dans un second exemple, nous allons abandonner la Norvège démocratique pour la Serbie dictatoriale de l'an 2000, avant la chute de Slobodan Milosevic. Pour soutenir l'agriculture, Milosevic avait fait placer des boîtes dans les boutiques et les lieux publics en demandant aux gens de donner un dinar (la monnaie serbe) pour les semences et les plantations. En guise de réponse, le mouvement de jeunes Otpor a organisé sa propre collecte sous le nom de « Dinar za Smenu ». Smenu est un mot qui a de nombreux sens en serbe ; il peut signifier le changement, la résignation, le renoncement, la retraite ou l'épuration. Cette action, prenant la forme d'un gros tonneau portant une photo de Milosevic, a été répétée à plusieurs reprises en différents endroits de Serbie. Après avoir donné un dinar, les gens recevaient un bâton dont ils pouvaient faire usage pour taper sur le tonneau. Une des fois, une inscription suggérait que, si les gens n'avaient pas de pièce à cause de la politique de Milosevic, ils pouvaient frapper deux fois sur le tonneau. Lorsque la police a eu retiré le tonneau, un communiqué de presse d'Otpor a affirmé que la police avait placé le tonneau en état d'arrestation et que l'action avait été une immense réussite. Ils ont affirmé avoir rassemblé suffisamment d'argent pour la retraite du président et que la police remettrait donc cet argent à Milosevic.

C'est là un exemple d'« action dilemme », car ni Milosevic ni la police ne disposaient de la moindre marge de réaction. Si la police ne retirait pas le tonneau, elle perdait la face. Mais, quand elle a fini par agir, Otpor a poursuivi la plaisanterie en parlant de l'arrestation d'un tonneau et en disant que la police donnerait l'argent à Milosevic pour sa retraite. Quoi que faisait le régime, il perdait.

Vous pouvez trouver le mémoire de Majken (en anglais), portant sur l'humour et la non-violence, sur le site Web de l'université de Coventry (études du Centre pour la Paix et la Réconciliation) : http://www.coventry.ac.uk/researchnet/external/content/&/c4/11/36/v1202125859/user/Humour as Nonviolent Resistance.pdf.

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Les gens protestent pour de nombreuses raisons, mais nous le faisons souvent parce que nous sommes confrontés à une situation face à laquelle nous devons donner une réponse et tenir une position. La réalité que nous vivons – qu'il s'agisse de la nôtre ou de celle d'autres personnes – nous pousse à agir, à réagir, à mettre en cause ou à changer ce que nous éprouvons et voyons. Nous oublions de prendre sérieusement en compte les possibles conséquences d'un choix de cette sorte. Les conséquences positives contribuent souvent à l'autonomisation du sujet. Des conséquences négatives peuvent conduire à une perte d'autonomie. Nous devons réfléchir préalablement à ces deux cas de figure pour nous préparer aux nouvelles étapes, afin de ne pas en être surpris ni souffrir d'un stress encore plus important.

Les conséquences de tenir une position

En tenant une position, nous pouvons nous placer dans des situations qui nous feront atteindre nos propres limites et nous mettront en danger. Si une telle chose se produit, des expériences négatives seront presque inévitables ; la peur se manifestera très vraisemblablement en guise de réponse. Dans des situations d'insécurité et d'angoisse, les sentiments suivants apparaîtront : peur d'être arrêté, peur d'être dénoncé, peur d'être torturé, peur d'être attrapé lors d'une réunion illégale, peur d'être trahi, peur de ne pas atteindre une fois encore notre objectif, peur de l'inconnu (que se passera-t-il si je suis arrêté ?) et aussi du connu, qu'il s'agisse d'une menace spécifique par voie téléphonique ou du fait d'être au courant de ce qui est arrivé à d'autres. Il nous faut savoir ce que nous pouvons faire pour échapper à de telles conséquences ou pour les affronter lorsqu'elles se présenteront. Trois éléments principaux peuvent nous aider à nous en tirer : la confiance et la solidarité de nos collègues militant/e/s, une bonne formation et une préparation émotionnelle associée à un bilan des actions.

Certaines conséquences auxquelles nous devons nous préparer 1. Faire face aux conséquences de la peur

Lorsque nous pensons à des conséquences traumatisantes, nous pensons instantanément aux conséquences physiques, comme être molestés, arrêtés, battus ou voir nos droits humains violés. Ce risque est plus important dans certaines sociétés que d'autres ; les personnes qui manifestent dans des États fortement militarisés et autoritaires sont particulièrement courageuses. Mais, normalement, chacun/e de nous éprouvera au moins une certaine crainte et de l'anxiété et sera au moins conscient/e du risque de subir des souffrances physiques ou des désagréments. Ces appréhensions peuvent nous paralyser. Mais il n'est pas bon de les ignorer. Si nous n'y sommes pas préparés, nos réactions naturelles dans de telles situations peuvent vraiment nous conduire à des dommages plus graves. Par exemple, nous pouvons ressentir l'envie de courir mais, si nous commençons à courir, nous ne maîtrisons plus notre comportement ; celles et ceux qui nous font face peuvent être tentés d'attaquer à ce moment-là. Être préparés rationnellement, émotionnellement et pratiquement est par conséquent important. Se former à contrôler la peur est extrêmement utile. (Voir l'exercice « Conséquences de la peur », p. .)

2. La force de se présenter au grand jour

Nous devons être conscients que nous avons fait le choix de nous situer à l'extérieur des opinions conventionnelles. Ce n'est pas tellement difficile de partager nos façons de penser en privé avec celles/ceux qui partagent notre avis, même si nous pouvons craindre d'être trahis. Mais le revendiquer publiquement est autrement difficile. Nous prenons position non seulement contre l'État mais aussi contre les conventions sociales habituelles. La raison même pour laquelle il nous faut nous manifester est d'ébranler ces conventions, mais le fait de le savoir ne rend pas la chose plus facile. Nous nous exposons nous-mêmes. Pensons aux Femmes en noir (Women in Black) en Israël qui se bornaient à témoigner en silence de ce qu'elles ne pouvaient pas accepter dans leur société. Cette façon de témoigner a maintenant été utilisée en Serbie, en Colombie et ailleurs. La solidarité avec nos collègues est très importante dans de telles situations, car elle permet de créer un espace pour respirer et prendre en charge nos sentiments. Même celles et ceux qui semblent être sûrs d'eux peuvent avoir des soucis qu'ils ont besoin de reconnaître et d'assumer. (Pour pratiquer en ce sens, un exercice comme la « Ligne de querelle », p. , est utile.)

3. Nous préparer à assumer l'angoisse

D'autres risques et conséquences peuvent être plus subtils, mais pour cette raison même plus angoissants. Nous pouvons avoir à affronter le mépris et l'humiliation ou être raillés et harcelés par des spectateurs ou les forces publiques. Les Femmes en noir viennent de nouveau à l'esprit ; un public hostile avait beau leur cracher dessus et les houspiller, elles gardaient le silence et ne réagissaient pas. Une telle situation peut être émotionnellement angoissante. Simuler (voir l'exercice, p. ) préalablement ce genre de situation nous aide à nous préparer émotionnellement et à comprendre plus complètement les motivations (et les craintes) de nos contradicteurs. La solidarité et la confiance entre les participant/e/s sont une fois encore importantes et elles sont partiellement construites par de telles répétitions. Une mauvaise publicité faite aux actions est moins angoissante émotionnellement, parce qu'elle est moins immédiate. La presse, qui peut nous affubler de toutes sortes d'étiquettes erronées, peut mettre en doute notre bonne foi et nos motivations. Nous préparer à une telle humiliation rend plus facile d'y faire face lorsqu'elle se produit.

4. Se placer dans la position de l'Autre

Nous pouvons aussi considérer l'humiliation comme un élément de ce dont nous essayons de témoigner, comme lorsque des participant/e/s tentent de se placer dans la situation même des personnes dont ils prennent la défense. De nombreux groupes ont représenté du théâtre de rue en jouant les rôles des prisonniers et des gardiens de Guantánamo ; des sentiments imprévus ont affleuré et les participant/e/s ont parfois eu du mal à les contrôler. Par exemple, les « prisonniers » peuvent commencer à se sentir vraiment outragés, tandis que les gardiens se voient, soit s'immerger avec trop d'enthousiasme dans l'expérience, soit éprouver une sensation de dégoût. Dans les deux cas, des participant/e/s peuvent se sentir salis et pollués. Pour faire face à de telles éventualités, ils doivent être préparés à de telles réactions intérieures et doivent participer à une mise à plat après l'action. Un autre exemple est celui d'actions contre l'élevage industriel où des militant/e/s utilisent leur propre corps pour représenter des morceaux de viande. Les réactions peuvent être de se sentir véritablement enthousiasmé et libéré par le fait même de manifester publiquement un point de vue ou, inversement, d'être troublé par la situation dans laquelle on s'est soi-même placée.

5. Assumer la désillusion

Il arrive parfois que l'on ait peu de problèmes avant et pendant l'action, mais qu'un réel contrecoup survienne plus tard lorsqu'il semble que celle-ci n'a eu aucun effet. Les énormes manifestations du 15 février 2003 contre la guerre en Irak n'ont pas arrêté la guerre. Nos pires craintes se sont concrétisées. Sans que cela soit surprenant, bien des gens se sont trouvés déçus et impuissants. Ils se sont évidemment demandés : « Cela valait-il la peine de le faire ? » Il se peut qu'ils ne veuillent plus participer dans l'avenir à de nouvelles actions sur ce sujet ni sur aucun autre, en estimant que ce serait inutile. Que peut-on faire pour répondre à cette désillusion ? Il faut trouver le moyen de réfléchir ensemble sur ce qui est arrivé et sur les enseignements à tirer de l'expérience vécue (voir « Évaluation de l'action », p. ). Nous devons ajuster nos attentes. Les actions sont importantes pour montrer notre force, mais elles n'arrêteront pas une guerre à elles seules.

6. Assumer la réussite

De même que nous pouvons avoir le souci qu'une situation évolue plus mal que prévu, nous pourrions, non sans paradoxe, avoir du mal à affronter ce qui pourrait sembler de prime abord positif ou couronné de succès. C'est par exemple le cas si les forces de sécurité se conduisent plus humainement que nous ne l'avions prévu ou que les autorités engagent avec nous le dialogue en paraissant vouloir prendre nos demandes en compte. De tels résultats peuvent avoir un effet déstabilisant si nous nous sommes blindés en vue d'une confrontation. Que devient toute l'adrénaline qui s'est emmagasinée dans nos corps ? Comment de tels développements influent-ils sur notre approche ? Notre approche est-elle erronée ? Devrions-nous accorder plus de confiance au système ? Ou nous laissons-nous bercer par de jolies phrases ? Notre mouvement peut parvenir à être plus soudé lorsque nous sommes confrontés à de rudes adversaires et peut se fendiller dans le cas opposé. Nous devons par conséquent être prêts à savoir quelles réponses peuvent être les plus efficaces et tester les options possibles. Ainsi, quand et si cela se produit, nous serons mieux en mesure d'apprécier collectivement la situation et d'agir de façon idoine.

7. Quand les niveaux d'agressivité s'élèvent

Beaucoup d'entre nous ont été choqués par l'agressivité qui se fait jour lors d'une action non-violente – et pas seulement du fait de celles/ceux qui s'opposent à l'action. Nous pouvons sentir monter l'agressivité en nous lorsque nous sommes traités durement par les autorités. Même si nous ne réagissons pas, une telle sensation peut nous mettre très mal à l'aise et nous faire douter. Ou d'autres participant/e/s peuvent faire tourner l'action à l'émeute, et nous devons être capables de trouver une réponse adéquate. Les rejoignons-nous, nous en allons-nous ou maintenons-nous le cap, en poursuivant l'action non-violente comme prévu ? Dans de telles situations, on n'a guère le temps de réfléchir ; il faut donc envisager les différentes possibilités à l'avance. Nous devons définir clairement les options, afin que des décisions puissent être prises sereinement. (Voir les exercices « Prise de décision » et « Jeu de rôles », p. et p. .)

Contextes variés

Au Nord, nous pouvons agir dans des États et des cultures qui affirment être libéraux et démocratiques. Ou nous pouvons subir un régime autoritaire. Mais nous ne devrions pas supposer qu'il est plus facile de protester dans les démocraties libérales, car certains des États concernés peuvent répondre d'une façon très brutale aux actions. D'autres facteurs peuvent déterminer la capacité et les limites de l'action. La société peut être fermée ou ouverte. Dans une société fermée, les risques sont plus grands : les dissident/e/s peuvent disparaître et la moindre transparence n'est guère du domaine du possible. Un État peut disposer d'un système judiciaire fonctionnel, indépendant du gouvernement, qui peut intervenir comme gardien des droits de l'être humain et de la violation de ceux-ci. La culture d'une société est également un facteur significatif ; elle peut accorder une grande valeur à la conformité aux normes et au respect de l'autorité. Une société peut aussi se sentir faible et vulnérable face à la pression de la modernité ou sous l'influence d'autres États ; dans de telles situations, toute forme de protestation peut être considérée comme déloyale et destructive.

Même s'il est plus difficile d'agir dans certaines situations que dans d'autres, toutes les questions traitées ici peuvent être abordées dans n'importe quel contexte, quoique avec une intensité variable.

Conclusion

Si nous nous préparons au mélange d'émotions et de réactions pouvant résulter de notre action, que nous construisons une solidarité avec nos collègues, et que nous analysons et mettons à plat les conséquences de nos actions, nous sommes alors mieux placés pour poursuivre le combat pour une société meilleure, même si nous savons bien que l'objectif ne sera pas atteint de notre vivant, si tant est qu'il le soit un jour.

Quoi qu'il en soit, si nous ne nous préparons pas correctement et n'assumons pas les conséquences de nos actions, nous pouvons finir par n'aider personne, pas même nous-mêmes. Nous pouvons être en proie au découragement et décider d'abandonner, ou nous lancer dans d'autres stratégies qui peuvent se révéler contre-productives, comme la politique classique et le recours à la force. Ou nous pouvons tomber dans un schéma de protestation tournant à vide, dépourvu de la moindre visée stratégique. Dans un tel cas, nous pouvons donner superficiellement l'impression de continuer à être engagés dans la lutte et les autres peuvent admirer notre constance, mais nous déployons toute notre énergie sans la canaliser vers un objectif. Notre inefficacité et notre détermination peuvent décourager d'autres personnes à s'engager. Si – comme je le crois – nous avons le devoir de protester, nous avons aussi le devoir de nous préparer correctement, en identifiant les risques encourus pour notre bien-être physique et émotionnel, et en prenant des mesures pour garantir que nous serons en mesure de contrôler ces risques et de poursuivre le combat d'une façon efficace et positive, en restant fidèles à nos idéaux. Enfin, mais ce n'est pas secondaire, continuons de tenter des choses, prenons plaisir en agissant et, de ce fait, donnons sa chance à la paix. Nous ne sommes pas les premiers à le faire, ni ne serons les derniers.

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Préparer et animer une formation à la non-violence suppose un ensemble de tâches que plusieurs personnes peuvent répartir entre elles. D'abord, les organisatrices/-teurs de la campagne doivent être conscient/e/s du type de formation nécessaire et la prévoir au moment idoine. Le groupe a-t-il besoin d'une formation sur l'élaboration stratégique d'une campagne ou sur la sensibilité aux questions de genre ? La formation est-elle nécessaire pour préparer un nouveau groupe de personnes à participer aux actions non-violentes ou pour qu'un groupe expérimenté acquière de nouvelles compétences ? Des groupes d'affinité ont-ils besoin d'une formation aux processus de groupe ?

Une fois la décision prise d'organiser une formation, il faut des formatrices/-teurs. Comme déjà indiqué dans « Formation à la non-violence » (p. ), s'il n'y a pas de formatrices/-teurs disponibles, créez une équipe de cofacilitatrices/-teurs pour assurer la formation. Ce chapitre comporte des listes pour aider à organiser, planifier et animer des formations.

Il faut que les organisatrices et les formateurs parlent entre elles/eux avant de travailler sur leurs tâches respectives. Un manque de clarté et de préalables posés par les formatrices et les organisateurs peut déboucher sur une formation inefficace. Une formation peut représenter une occasion importante pour tester des plans, pour déceler des faiblesses dans le groupe ou pour inclure de plus nombreuses personnes dans le processus. Un formateur doit être ouvert à de tels objectifs.

Si les formateurs font partie du groupe, il faut qu'ils soient clairs sur leur rôle en tant que formateurs. Même si elles comprennent le contexte, le groupe, la campagne, le scénario d'action, etc., mieux qu'une facilitatrice extérieure, les formatrices profondément impliquées dans l'action peuvent avoir du mal à se placer dans un rôle différent ; une clarification des rôles peut être une aide à ce stade.

Les chapitres « Campagnes non-violentes » (p. ) et « S'organiser pour des actions non-violentes efficaces » (p. ) contiennent des informations qui peuvent aider les formateurs et les organisatrices à comprendre ce qu'elles/ils doivent faire et ce à quoi ils devraient peut-être se former eux-mêmes.

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Deux ans après sa fondation en 1998, le groupe de jeunes Serbes Otpor (« Résiste ») a joué un rôle central dans la chute de Slobodan Milosevic. Initialement, leur campagne visait à changer les façons de résister à Milosevic, en utilisant par exemple des tactiques de communication de « guérilla » non-violentes (graffitis, théâtre de rue, etc.), en recourant souvent à l'humour pour éveiller l'intérêt et faire baisser la peur. Progressivement, ils ont accentué la pression sur l'opposition démocratique divisée et trouvé des points d'unité pour contrer Milosevic et saper les « piliers de son pouvoir ».

Les ateliers de formation à la non-violence jouaient un rôle important pour élargir la compréhension de la façon dont elles/ils pouvaient affaiblir le régime. Lorsque Milosevic a essayé de faire main basse sur les élections, elles/ils étaient en mesure de le démasquer et finalement de le stopper. Quand la foule encerclait le parlement, la police n'avait pas envie de la disperser. L'image la plus connue est celle d'un bulldozer entrant dans le parlement ; à ce stade, la police n'avait même pas essayé d'empêcher la chose. Le lendemain, Milosevic démissionnait.

Otpor avait joué un rôle crucial pour franchir une étape nécessaire dans la démocratisation de la Serbie — le départ de Milosevic —, mais les progrès sur la voie de la démocratie ont ensuite été décevants.

Ressources

Bringing Down a Dictator, DVD, 60 minutes, production York Zimmermann Inc., Washington DC, États-Unis.

Albert Cevallos, Whither the Bulldozer?: Nonviolent Revolution and the Transition to Democracy in Serbia (US Institute of Peace Special Report n° 72, téléchargeable sur http://www.usip.org). Le site Web du Centre for Applied NonViolent Action Strategies inclut des articles de militant/e/s d'Otpor et autres, sur leurs stratégie et tactique : http://www.canvasopedia.org/content/serbian_case/otpor_strategy.htm.

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Durée : 15 minutes au minimum.

Objectif ou visée de l'exercice : Avoir une expérience de la façon dont nous affrontons un conflit ou de la façon dont nous pensons souvent que la violence peut être une solution pour résoudre un problème. Un exercice pour commencer à remettre en cause notre mode de pensée militariste et pour nous inciter à trouver des solutions non-violentes et où les deux parties sont gagnantes.

Mode d'emploi/Notes pour la facilitation

La/le facilitatrice/-teur demande aux participant/e/s de se placer en deux files formées d'un même nombre de personnes, face à face. Demandez alors à chacun de toucher celle/celui qui est en face, afin de s'assurer que chacun sache avec qui elle/il va interagir. Dites-leur qu'il y a entre elles/eux une ligne invisible. Demandez aux paires de deux personnes de franchir cette ligne en se serrant les mains sans ensuite les relâcher. La seule consigne est : « Amenez l'autre de votre côté ». Dites alors : « C'est parti ! ».

Mise à plat

Que s'est-il passé ?

Quelle a été la réponse automatique à la consigne reçue et à l'indication « C'est parti ! » ?

REMARQUE : beaucoup d'entre nous ont une tendance à réagir par la violence, à utiliser leur force physique dans la lutte, ce qui semble suggérer que la violence est la première, et peut-être la seule, option.

Notre mode de pensée est-il militariste ?

Qui a « gagné » ?

Quelqu'un a-t-il parlé de solutions alternatives ?

Y a-t-il eu une paire où les deux participant/e/s ont gagné ? Comment cela pourrait-il se produire ? Comment les deux pourraient-elles/ils en même temps respecter les indications ?

Possibles solutions où les deux parties sont gagnantes : les paires intervertissent leurs places ou bien elles vont d'abord d'un côté et ensuite de l'autre.

Que s'est-il passé si, dans la paire, il y avait une femme et un homme ?

Qui « gagnerait » dans une telle configuration ? Dans des paires unisexes, on ne peut vraiment pas trop savoir à l'avance qui va « gagner » si l'option retenue est la force physique ; en revanche, dans une configuration féminine/masculine, c'est moins douteux, le degré de certitude est assez élevé si la solution est la force.

Ce dernier cas de figure est la situation dans laquelle vous risquez de vous trouver : une instance « féminine » face à un militaire armé ou un agent de sécurité « masculin » ; d'un point de vue « pratique », il n'est pas logique dans ce cas de recourir à la violence.

Quelles autres solutions pourrait-on alors envisager ?

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Il est important de rassembler les informations portant sur les campagnes elles-mêmes afin de pouvoir tirer profit de leur expérience. De même que nous nous sommes nourris des campagnes non-violentes menées partout dans le monde depuis des années, donner des informations sur nos propres luttes et expériences pourra aider d'autres personnes, ailleurs et plus tard. Initialement conçu pour les études de cas dans le cadre de l'autonomisation sociale non-violente promue par l'IRG, ce guide peut être utilisé par une personne seule ou un groupe afin de déterminer les informations nécessaires pour bâtir l'étude de cas d'une campagne. Ce guide peut aussi servir à nous rappeler ce que nous devons prendre en compte lorsque nous organisons une campagne.

Vue d'ensemble

Nature de la campagne/du mouvement : Quelle était/quelle est la question en jeu ? Quand la campagne/le mouvement a-t-il commencé/fini ?

Contexte géographique et (brièvement) historique. Participant/e/s : Qui (classe sociale, ethnie/communauté, genre, groupe religieux, âge, compétences, autres) a fait bouger les choses à différentes étapes du mouvement ?

Chronologie

Point de départ. Y a-t-il eu différentes étapes ?

Y a-t-il eu des moments particuliers de développement ?

Quels ont été les points culminants ?

Quels autres éléments ont-ils joué un rôle-clé ?

Non-violence

La volonté d'éviter la violence était-elle visible de l'extérieur ?

Cette question a-t-elle été débattue ? Une décision a-t-elle été prise sur la façon de procéder ?

La politique de non-violence a-t-elle fait l'objet d'une déclaration publique ?

Dans l'affirmative, qu'était-il entendu par « non-violence » ?

Y a-t-il eu un consensus sur ce point ? De quel type étaient les divergences qui se sont exprimées sur cette question ?

Quelles mesures a-t-on prises pour appliquer une politique de non-violence ?

La campagne a-t-elle été vue comme ayant rapproché de la non-violence les valeurs de la société ?

Y a-t-il eu des sources d'inspiration spécifiques pour certains types d'action ou façons de s'organiser ?

Moyens

Quel a été l'usage fait des canaux officiels, du lobbying, des processus électoraux ou des mécanismes constitutionnels, et avec quel résultat ?

Comment avez-vous essayé d'utiliser les médias « grand public » ?

Quel rôle ou quelle influence cela a-t-il eu ?

Comment avez-vous essayé de développer ou d'utiliser votre propre moyen de communication ou les médias alternatifs ? Quel a été le résultat ?

Votre mouvement a-t-il essayé de mettre en place des alternatives ? Que s'est-il passé ?

À quel type de moyens avez-vous recouru pour bâtir une culture de mouvement ou le sentiment de l'existence de liens ? Quels effets avez-vous obtenus ?

Avez-vous utilisé le refus de coopérer comme tactique ?

À quel stade ?

Avec quel résultat ?

Avez-vous essayé de gêner directement ou de bloquer une activité contre laquelle vous meniez campagne ?

À quel stade ?

Avec quelle approche ?

Qui y a participé et comment ?

Avec quels résultats ?

Comment avez-vous utilisé les moyens conventionnels de protestation ?

Comment les avez-vous associés à d'autres méthodes ?

Organisation

La campagne/le mouvement s'est-il mis d'accord sur une structure formelle ?

Quelles structures informelles ont-elles joué un rôle important ?

La campagne/le mouvement avait-il le souci de disposer d'une structure participative, tant pour l'organisation que pour la prise de décision ?

Quel ont été les liens de la campagne/du mouvement avec d'autres groupes/mouvements ?

Quelle importance avez-vous accordé à la construction d'une coalition?

Avec quels critères pour s'allier ?

Comment le mouvement a-t-il répondu aux besoins des militant/e/s en termes d'apprentissage, de développement, de soutien, d'enrichissement de leur engagement ?

Comment le mouvement a-t-il affronté la possible contradiction entre la sécurité nécessaire et la volonté de participation ?

À quel genre de répression le mouvement s'attendait-il à devoir faire face ?

Quelles dispositions a-t-il prises pour soutenir les personnes les plus affectées ?

Le calendrier du mouvement et son concept du développement stratégique ont-ils été clairs ?

Comment le mouvement a-t-il développé ses ressources (humaines, sociales, économiques) ?

Objectifs et résultats

Quels étaient les objectifs initiaux de la campagne/du mouvement ?

Comment ces objectifs ont-ils évolué ?

Pour quelles raisons ?

L'autonomisation des participant/e/s était-elle un objectif ?

Dans quelle optique ?

Quelle forme les objectifs ont-ils prise, par exemple quel genre de slogan ?

La campagne/le mouvement a-t-il eu la souplesse lui permettant de revoir ses objectifs, en réagissant par exemple à des événements spécifiques, ou de les bâtir en fonction des résultats ?

Quel changement la campagne/le mouvement attendait-il de la part de l'institution détentrice du pouvoir ou de celles/ceux tirant bénéfice de leur position dominante (par exemple, qu'elles/ils soient convaincu/e/s, qu'elles acceptent certaines demandes, qu'ils se voient contraints d'en accepter, qu'ils se désintègrent/se dissolvent) ?

Jusqu'à quel point les objectifs à court, moyen et long terme ont-ils été atteints ?

Quels ont été les effets indirects (à la fois positifs et négatifs) ?

L'adversaire a-t-il commis des erreurs ayant significativement facilité la cause de la campagne/du mouvement ? Autonomisation

Toutes les questions précédentes sont liées d'une façon ou une autre à l'autonomisation, mais cette dernière partie y revient en se centrant sur cet aspect. Les réponses doivent cerner les dimensions du pouvoir à l'intérieur de soi-même, du pouvoir partagé et du pouvoir en relation aux personnes ou aux choses. Qui a été autonomisé ?

À être ou à faire quoi (se joindre à, partager une responsabilité, prendre une initiative, entretenir son militantisme) ?

Qu'est-ce qui a contribué à ce sentiment d'autonomisation (par exemple une formation, la confiance du groupe, la conquête d'objectifs stratégiques) ?

Comment l'expérience des différentes étapes d'un mouvement a-t-elle affecté le sentiment d'autonomisation ?

Qu'en est-il des participant/e/s qui ne sont pas senti/e/s autonomisé/e/s ?

Pourquoi ne l'ont-elles/ils pas été (en raison de facteurs internes ou externes) ?

Comment les stratégies d'autonomisation ont-elles été débattues ou construites au niveau personnel, au niveau du groupe et au niveau social ?

Une perte d'autonomie a-t-elle été éprouvée par un·e/des participant/e/s ou groupe et, si oui, de quelle façon ?

Quel effet cela a-t-il eu sur la campagne ?

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Gene Sharp a recherché et catalogué 198 méthodes d'action non-violente, dont il a fait état pour la première fois en 1973 dans The Politics of Nonviolent Action. Ces méthodes sont réparties en trois grandes catégories – Protestation et plaidoyer, Non-coopération et Intervention non-violente –, puis regroupées en sections. La liste complète est disponible sur http://www.aeinstein.org/ (et, en français, par exemple sur la page http://nonviolence.fr/spip.php?article599).

1. Protestation et plaidoyer

Manifestations – De nombreuses personnes disent ce qu'elles veulent en marchant ensemble dans la rue ; par exemple, les manifestations contre la guerre en Irak le 15 février 2003 : plus importante manifestation contre la guerre ayant jamais eu lieu, elle s'est déroulée dans plus de 600 villes partout dans le monde. Rien qu'à Londres, deux millions de personnes ont défilé.

Pétition – Porter sa signature sur une liste pour exprimer son désaccord avec une certaine politique, par exemple pour protester contre les exportations d'armes suédoises vers les États-Unis et le Royaume-Uni pendant la guerre d'Irak.

2. Non-coopération

Boycott – Refuser d'acheter un bien ou un service pour manifester son désaccord avec le vendeur ou un gouvernement, par exemple le boycott de produits sud-africains à l'époque du régime de l'apartheid. Ce sont d'abord des personnes isolées et des organisations qui ont commencé à boycotter les produits sud-africains ; après un temps, des pays entiers se sont joints au boycott.

Grève – Refuser de travailler. Par exemple, pendant la première Intifada, le mouvement palestinien de résistance qui a commencé en 1987, beaucoup de Palestinien/ne/s ont refusé de travailler pour des Israélien/ne/s. Israël a perdu beaucoup d'argent en n'ayant pas accès à la main d'œuvre palestinienne à bon marché et son économie a stagné.

Non-coopération politique – Refuser d'effectuer le service militaire ou de procéder à une extradition. L'Internationale des résistant/e/s à la guerre est une des organisations apportant son soutien à celles/ceux qui veulent refuser de faire leur service militaire.

Refus de coopérer – Par exemple, pendant la Seconde Guerre mondiale, des professeurs norvégien/ne/s ont refusé d'appliquer le plan d'études nazi pour les écoles. Elles/ils ont été envoyé/e/s dans des camps de concentration à cause de leur désobéissance, mais beaucoup d'entre elles ont été relâché/e/s quand les nazis ont compris qu'elles ne renonceraient pas.

3. Intervention

Blocus/blocage – Placer votre corps sur une quelconque voie de passage. Par exemple, des Israélien/ne/s et des volontaires internationaux bloquent des bulldozers israéliens sur le point de démolir des maisons palestiniennes.

Présence préventive – Protéger des personnes en danger dans des zones de conflit ; par exemple, des observatrices/-teurs de paix au Mexique, en Israël/Palestine ou en Colombie.

Actions de type Plowshare – Désarmer au grand jour du matériel militaire et être disposé à assumer sa condamnation ; par exemple, le désarmement de sous-marins nucléaires Trident en Écosse.

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Les militant/e/s se sentent souvent impuissants, même lorsque leur mouvement marche bien et qu'il est sur la voie du succès. Comprendre comment fonctionne un mouvement et reconnaître ses succès peut, par conséquent, rendre les militants et les groupes d'un mouvement conscients de leur force. Le Plan d'action du mouvement (Movement Action Plan, MAP), élaboré dans les années 1980 par Bill Moyer, est un bon outil pour ce faire ; il décrit les huit étapes que parcourent les mouvements réussis et les quatre rôles que doivent jouer les militant/e/s.

Hypothèses stratégiques

Le MAP repose sur sept hypothèses stratégiques :

1. Les mouvements sociaux ont prouvé leur force par le passé, et ils peuvent fort heureusement la prouver dans l'avenir.

2. Les mouvements sociaux se situent au cœur même de la société. Ils reposent sur les valeurs les plus avancées de celle-ci : justice, liberté, démocratie, droits civils. Même s'ils s'opposent à l'État ou au gouvernement, les mouvements sociaux ne travaillent pas contre la société, ils promeuvent une société meilleure.

3. L'opposition réelle se situe entre la « justice sociale » et les « intérêts créés ». Le mouvement travaille pour la justice sociale et les gens au pouvoir représentent les intérêts créés.

4. La stratégie essentielle est de promouvoir la démocratie participative. L'absence de démocratie réelle est une source fondamentale d'injustice et de problèmes sociaux. Dans le cadre du combat pour les objectifs du mouvement – que ce soit le droit à l'objection de conscience en Turquie ou l'arrêt de la construction d'une route au Royaume-Uni –, le développement de la démocratie participative est la clé.

5. Le public cible est la/le citoyen/ne ordinaire qui, par son consentement, donne leur force aux détenteurs du pouvoir. Le point central dans les mouvements sociaux est la lutte entre le mouvement et les détenteurs du pouvoir pour gagner le soutien de la majorité des gens, lesquels détiennent en dernière instance le pouvoir de maintenir le statu quo ou de provoquer le changement.

6. La réussite est un processus à long terme, pas un événement ponctuel. Pour parvenir à l'objectif final, le mouvement doit être couronné de succès au fil de longues séries d'objectifs intermédiaires.

7. Les mouvements sociaux doivent être non-violents. Les huit étapes des mouvements sociaux

Un mouvement commence sans le savoir lui-même. À la première étape, calme plat, l'objectif principal des groupes est de faire réfléchir les gens, de montrer qu'il y a un problème. Le degré suivant est d'exposer la faillite des canaux établis (étape II). En recourant à des auditions, en participant à des procédures légales ou administratives, etc., le mouvement doit prouver que ces institutions ne vont pas agir pour que les gens puissent voir le problème réglé – il va falloir que les gens agissent eux-mêmes.

Cela conduit aux conditions matures (étape III) pour le développement d'un mouvement social. Les gens commencent à écouter et à former de nouveaux groupes, de petites actions de désobéissance civile commencent à mettre en scène le problème. Les détenteurs du pouvoir sont un peu irrités mais, dans l'ensemble, les choses suivent leur cours habituel.

Si le mouvement fait bien son travail en interne (organisation de nouveaux groupes, tissage de réseau et construction d'une coalition), il peut décoller (étape IV) à la suite d'un événement déclencheur. Il peut s'agir d'une action organisée par le mouvement – l'occupation d'un chantier à Whyl (Allemagne), est à l'origine du mouvement antinucléaire allemand – ou d'une réaction venant des détenteurs du pouvoir. L'événement déclencheur suscite des manifestations massives, d'importantes campagnes de désobéissance civile et une couverture médiatique conséquente. Même si le mouvement a acquis un fort coefficient de sympathie auprès du public, les détenteurs du pouvoir ne cèdent généralement pas à ce stade.

Cela fait naître une sensation d'échec (étape V) chez de nombreux militant/e/s, ce qui est mis en évidence par une participation en baisse aux événements suivants du mouvement, ainsi qu'une couverture médiatique négative.

Mais, au même moment, le mouvement a conquis la majorité (étape VI). Jusqu'alors, le mouvement a été centré sur la protestation ; il est à présent important qu'il propose des solutions. Près des trois quarts de la société reconnaissent qu'un changement est nécessaire. Il est maintenant important de remporter la mise pour ce qui est de la nature du changement à opérer.

Les détenteurs du pouvoir vont essayer de tricher avec le mouvement, d'alourdir la répression, de jouer des tours (le gouvernement allemand essaie maintenant d'expédier les déchets nucléaires à Ahaus au lieu de Gorleben). Le mouvement doit viser à contrer ces ruses et à promouvoir une solution alternative.

Le succès véritable (étape VII) est un long processus qu'il est souvent difficile de reconnaître. La tâche du mouvement n'est pas seulement de voir ses demandes satisfaites, mais aussi de parvenir à un changement de modèle, à une nouvelle façon de penser. Fermer toutes les centrales nucléaires sans modifier notre rapport à l'énergie ne fait que déplacer le problème de la radioactivité au dioxyde de carbone (même si c'est déjà une réussite). La présence de quelques femmes dans un bureau n'altère pas la structure d'une société patriarcale.

Après que le mouvement a gagné – à la suite d'un combat frontal ou grâce à l'affaiblissement progressif des détenteurs du pouvoir –, il lui faut assurer le maintien de ce succès dans la durée. La consolidation du résultat et le transfert

vers d'autres combats (étape VIII) est à présent le travail du mouvement.

Recuadros correspondientes a las p. 44-45 de la v. impresa Les huit étapes du processus d'un mouvement social couronné de succès Recuadro centro p. 44 Caractéristiques du processus d'un mouvement Les mouvements sociaux sont formés de nombreux sous-objectifs et sous-groupes, dont chacun se situe à son étape dans son propre MAP.

Stratégie et tactique sont différentes pour chaque sous-mouvement, en fonction de l'étape du MAP où se situe chacun d'entre eux.

Les sous-mouvements doivent continuer d'avancer à travers les huit étapes.

Chaque sous-mouvement est centré sur un objectif spécifique (par exemple, pour les mouvements des droits civils : restaurants, droit de vote, logement social).

L'ensemble des sous-mouvements promeut le même changement de modèle (par exemple, le passage à une politique énergétique « douce »).

Le public doit être convaincu trois fois :

1. De l'existence d'un problème (étape IV).

2. De la nécessité de s'opposer aux conditions et aux politiques en cours (étapes IV, VI et VII).

3. De souhaiter, et non plus craindre, la mise en place de solutions alternatives (étapes VI et VII). Recuadro p. 45 Détenteurs du pouvoir (justo encima) Protestations Ocho recuadros de izqda. a dcha. y siguiendo las flechas

1. Période normale Il y a un problème social critique, qui viole des valeurs amplement reconnues. Les détenteurs du pouvoir entretiennent le problème : leurs « politiques officielles » respectent ces valeurs largement reconnues, tandis que leurs « politiques pratiques » les violent. Le public n'a pas conscience du problème et il soutient les détenteurs du pouvoir. Le problème et les politiques suivies ne font pas l'objet d'un débat public.

2. Démontrer l'échec des institutions officielles Nombreux groupes locaux d'opposition. Recourir aux canaux officiels – tribunaux, services gouvernementaux, commissions, auditions, etc. – pour démontrer qu'ils ne fonctionnent pas. Devenir des spécialistes. Faire de la recherche documentaire.

3. Conditions matures La reconnaissance du problème et de ses victimes augmente. Le public voit le visage des victimes. Groupes locaux actifs plus nombreux. Nécessité d'institutions préexistantes et de réseaux disponibles pour le nouveau mouvement. 20 à 30 % du public s'oppose aux politiques des détenteurs du pouvoir.

4. Décollage ÉVÉNEMENT DÉCLENCHEUR. Campagnes et actions non-violentes spectaculaires. Les actions montrent au public que les conditions et politiques en cours violent des valeurs amplement reconnues. Des actions non-violentes se répètent partout dans le pays. Le problème est inscrit sur l'agenda social. Le nouveau mouvement social décolle rapidement. 40 % du public s'oppose aux politiques et conditions en cours.

5. Sensation d'échec Les objectifs sont vus comme non atteints. Les détenteurs du pouvoir sont vus comme inchangés. Le nombre des participant/e/s aux manifestations est en baisse. Désespoir, trou noir, on est grillés, marginalisation ; le mouvement semble être fini. Apparition de « rebelles négatives/-tifs ».

6. Opinion publique majoritaire La majorité s'oppose aux conditions présentes et aux politiques des détenteurs du pouvoir. Montrer comment le problème et les politiques touchent tous les secteurs de la société. Impliquer des institutions et personnalités centrales dans la prise en compte du problème. Le problème est inscrit sur l'agenda politique. Promouvoir des alternatives. Contrer chaque nouvelle stratégie des détenteurs du pouvoir. Démonisation : les détenteurs du pouvoir suscitent la crainte du public à l'égard des alternatives et des militant/e/s. Promouvoir un changement de modèle, pas seulement des réformes. De nouveaux événements déclencheurs se produisent, réactivant pendant de courtes périodes l'étape IV.

7. Succès Une large majorité s'oppose aux politiques et n'a plus peur de l'alternative. De nombreux détenteurs du pouvoir prennent de l'air et changent de position sur l'échiquier. Processus de fin de partie : les détenteurs du pouvoir modifient leurs politiques (il est plus coûteux pour eux de maintenir les anciennes que d'en changer), ils ne sont pas réélus à leur poste ou s'usent lentement, hors de la scène. Nouvelles lois et politiques. Les détenteurs du pouvoir essaient de procéder à des réformes minimales, tandis que le mouvement demande un changement social.

8. Continuer le combat Amplifier les succès (par exemple, des lois pour des droits civils encore plus forts). Empêcher les velléités de retour de bâton. Promouvoir un changement de modèle. Reconnaître/célébrer les succès obtenus à ce point.

Quatre rôles de militant/e

Les militant/e/s doivent assumer des tâches très différentes à chacune des huit étapes. Elles ne peuvent être effectuées par le même genre de personne, et l'on peut ainsi identifier de façon générale quatre grands types de militant/e. Ils doivent tous être représentés et travailler efficacement pour que le mouvement puisse réussir.

La/le rebelle est le genre de militant/e que beaucoup de gens associent aux mouvements sociaux. Grâce à des actions directes non-violentes et en disant publiquement « non », les rebelles inscrivent le problème sur l'agenda politique. Mais ils peuvent être inefficaces lorsqu'ils s'auto-identifient comme une voix isolée à la lisière de la société et jouent au militant radical. Les rebelles sont importants aux étapes III et IV et après tout événement déclencheur, mais migrent généralement vers d'autres mouvements matures à l'étape VI ou plus tard.

Les réformatrices/-teurs sont souvent peu valorisés dans les mouvements, alors que ce sont elles qui démontrent l'échec des canaux existants ou qui promeuvent des solutions alternatives. Cela étant, ils ont souvent tendance à croire aux institutions ou à proposer des réformes trop timides pour consolider la réussite du mouvement.

Les citoyen/ne/s garantissent que le mouvement ne perde pas contact avec son public principal. Ils montrent que le mouvement agit au cœur de la société (enseignant/e/s, physicien/ne/s et fermier/e/s participant aux manifestations à Gorleben) et le protègent face à la répression. Elles peuvent être très inefficaces quand elles continuent de croire aux proclamations des détenteurs du pouvoir qui prétendent être au service de l'intérêt général.

L'agent du changement est le quatrième rôle et dans une certaine mesure le rôle-clé dans tous les mouvements. Elle promeut l'éducation et convainc la majorité de la société, organise des réseaux de terrain et promeut les stratégies à long terme... Il peut aussi être inefficace en promouvant des visions utopiques ou en se faisant l'avocat d'une approche unique. Elle a aussi tendance à ignorer les questions personnelles et les besoins des militant/e/s. Et maintenant ?

Les mouvements sociaux sont des phénomènes complexes : ils ne suivent pas le MAP comme une route sur la carte (map). Mais essayer d'identifier à quelle étape en est votre mouvement et de quel type de militant/e/s il est constitué est une aide importante pour reconnaître le succès et se développer dans l'avenir. Si vous êtes perdus sur la voie... regardez votre MAP ! Recuadro publicado en la versión on line (http://www.wri-irg.org/node/8668) (celda tras celda en sentido horizontal) État stable / Établissement d'une tension dans le système / Vu comme un problème général / Résolution

1 Calme plat / 2 Échec des canaux normaux / 3 Conditions matures / 4 Décollage ! / 5 « Échec » militant / 6 Majorité du public gagnée / 7 Succès ! / 8 Transfert

Pie de recuadro

Les quatre rôles du militant – Participation / Adapté de Bill Mayer, The Practical Strategist, San Francisco, Social Movement Empowerment Project, 1990. Publication originale : Peace News, n° 2423, mars 1998.

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1) Les facilitatrices/-teurs doivent comprendre qu'il peut être aussi long de préparer la formation que de la présenter/animer à proprement parler. Il est important que les cofacilitateurs travaillent ensemble pour établir le calendrier et qu'ils décident clairement qui est responsable de quoi, ainsi que de la façon dont ils travailleront ensemble.

2) Soyez réalistes sur la part du temps allouée à chaque partie. Ne cédez pas à la pression consistant à faire la formation en vitesse si elle ne peut pas être menée à bien. 3) Commencez les exercices par des présentations. Brisez la glace avec des exercices préliminaires. Si les membres du groupe se connaissent bien, posez une question permettant aux gens d'apprendre des autres quelque chose de nouveau.

4) Si les formatrices n'ont pas assez d'informations sur les expériences des participant/e/s, ayez recours à des voies n'encourageant pas la surenchère pour poser la question. Donnez le « la » en expliquant que les formateurs ont besoin de le savoir mais qu'il ne s'agit pas d'un exercice destiné à identifier les « meilleurs ».

5) Dès les premiers moments de la formation, proposez des exercices qui susciteront la participation, comme une simple « ligne de conflit » (voir p. ).

6) Alternez les activités à deux ou à trois avec des activités en groupes plus importants.

7) Mêlez discussion et exercices actifs ; proposez régulièrement des pauses.

8) Conservez la maîtrise du temps, et prévoyez la possibilité de couper certaines parties si vous êtes en retard. Mais ne coupez pas les derniers éléments, qui peuvent être parmi les plus importants, comme la mise en scène du jeu de rôles.

9) Gardez toujours du temps pour l'évaluation, et utilisez différents types d'évaluation. Faites sur le mur un tableau avec « ce qui s'est bien passé » (+) et « ce qui aurait pu être mieux » (>). Posez une série de questions pour solliciter des commentaires ; faites un tour de table ou un remue-méninges. Des formes d'évaluation écrite sont très utiles pour les formations longues.

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Ce manuel est écrit pour des groupes, peut-être pour un groupe qui s'est rassemblé pour une cause spécifique ou avec un thème spécifique, peut-être pour un groupe reposant sur l'amitié ou l'affinité dans sa perception du monde, peut-être même pour un groupe formé pour une seule occasion. Une position individuelle a elle-même habituellement besoin d'une forme de soutien par un groupe. Le chapitre de ce manuel consacré aux campagnes (chapitre 5) est plus utile pour les groupes qui prévoient de rester constitués sur le long terme, tandis que le chapitre sur la préparation à l'action (chapitre 4) pourrait être plus approprié pour ceux qui se réunissent à l'occasion d'un événement spécifique.

La force des groupes de personnes qui se rassemblent, qui travaillent bien ensemble et se fortifient mutuellement, se communique à l'ensemble du mouvement. Les groupes se constituent de très diverses façons, les plus efficaces et sympathiques d'entre eux tendant à avoir quelque chose de particulier, une marque de leur créativité propre, telle ou telle caractéristique qui contribue à leur épanouissement. Ceci découle des assemblages particuliers se produisant à l'intérieur d'un groupe et de l'équilibre spécifique auquel parvient le groupe entre les divers souhaits et talents de ses membres.

La présente section présente quelques perspectives auxquelles vous pourriez réfléchir en tant que membre du groupe, certaines dont le groupe débattra avant de prendre une décision consciente, d'autres qui évolueront.

Renforcer le groupe

Le premier point est l'importance que les gens attachent à la façon dont le groupe lui-même fonctionne et à ses modes de comportement. Cela peut être, en tant que tel, une source de conflits sans fin. Des équilibres doivent être trouvés, par exemple entre celles et ceux que la discussion impatiente et qui veulent de toute urgence être « là-bas » et « agir », et celles ou ceux qui désirent plus de clarté, que ce soit sur les objectifs, sur le fait d'être assez préparés pour plaider une cause en public, sur les personnes que le groupe devrait essayer d'impliquer et les formes d'action que l'on pourrait envisager, ou sur la façon dont le groupe s'organise lui-même et fonctionne. Dans tous les cas, un nouveau groupe doit faire de son mieux pour définir sa propre voie et savoir globalement où il va, en trouvant un heureux équilibre entre des gens tirant dans différentes directions. Si le groupe a une grande énergie et une capacité d'initiative, des sous-groupes peuvent prendre en charge des thèmes spécifiques. Si le groupe rassemble des personnes aux attitudes ou philosophies politiques antagonistes, il faut que la chose soit reconnue et transformée en source d'énergie plutôt qu'en blocage au niveau de la créativité.

Que votre groupe soit grand et ouvert ou petit et limité par l'affinité (voir « Groupes d'affinité », p. ), vous souhaitez que de nouvelles personnes sentent qu'elles sont bienvenues, et vous voulez que chacun/e se sente capable d'apporter sa pierre. Cela entraîne des problèmes de diversité culturelle, de comportements de domination, de dynamiques de classe, de race et de genre, et de pouvoir à l'intérieur du groupe. Affronter ces problèmes peut être, en tant que tel, une source de tension, même si ne pas les affronter peut être encore pire. Il vous faudra trouver des moyens de traiter ces questions dans une ambiance supportable. Le chapitre 3 sur le genre présente quelques exemples de la chose.

En général, il est utile pour un groupe qui prévoit de rester ensemble d'organiser quelques séances spéciales en plus des réunions habituelles, ou de réserver un espace au cours des réunions régulières pour quelque chose d'un peu différent. Parfois, ces moments peuvent adopter un angle pratique, comme le partage des compétences, l'élaboration des campagnes, voire un regard encore plus détaillé sur un point précis d'une campagne. À d'autres occasions, ils peuvent être plutôt orientés vers le groupe, comme des activités construisant du lien humain (confection d'une bannière, chant) ou des façons d'améliorer le fonctionnement du groupe.

Explorer les différences

Un groupe d'action non-violente tirera quelque bénéfice de l'étude de certaines questions liées au terme même de non-violence — parmi lesquelles les différentes formes de non-violence et leurs implications, valeurs, modes de comportement et objectifs. Toutes les interrogations qui touchent aux convictions profondément ancrées chez certains membres du groupe doivent être abordées en respectant les différences, moins dans l'intention d'établir la position du groupe que de partager les perceptions et perspectives de chacun/e. Le simple fait de mieux se comprendre mutuellement approfondira ce que vous vous efforcez de réaliser ensemble.

Prenons la question de la non-violence elle-même. Un engagement non-violent peut être un facteur unificateur pour un groupe, mais ce n'est pas nécessairement le cas ; des divergences se manifestent souvent, notamment entre celles et ceux qui sont prêtes à utiliser la non-violence dans des cas et pour des objectifs bien précis et celles et ceux qui la tiennent pour une philosophie au long cours. Nous suggérons que certaines de ces questions soient traitées par une déclaration commune de principes (voir « Principes de l'action non-violente », p. , et « Lignes directrices non-violentes », p. ), mais un groupe exprimant un engagement envers l'action non-violente peut aussi avoir des idées préconçues sur d'autres aspects, négatifs aussi bien que positifs, de la non-violence. Une bonne discussion autour de ces questions peut être stimulante, et même être source d'inspiration, mais une discussion moins bonne peut exacerber les tensions et la frustration.

Une façon relativement sûre d'explorer les différences est le « baromètre » des valeurs, connu également comme l'exercice du « spectre ». Quelqu'un élabore un ensemble de questions pour explorer différentes attitudes, actions et facteurs. Les questions sont posées au groupe, et les gens se déplacent sur deux axes : un, est-ce non-violent ou pas, et deux, je le ferais moi-même ou pas. Ceci peut ensuite déboucher sur « Je ferais partie, ou pas, d'un groupe menant une telle action ». Flecha : voir l'exercice « Spectre/baromètre », p. .

À une question comme « Qu'essaie d'obtenir votre groupe ? » peut correspondre une réponse simple, mais chaque personne du groupe peut avoir des objectifs additionnels. Des modes de pensée ou des sensibilités tout à fait différentes peuvent conduire les gens à s'impliquer dans un groupe. Une chose aussi simple qu'un exercice de présentation par paires peut être un bon point de départ pour offrir aux gens un espace pour expliquer ce qui les a amenés là.

De façon générale, ce manuel n'explore guère les raisons pour lesquelles on s'engage dans l'action, au-delà d'une idée assez diffuse de transformation sociale. De telles raisons varieront grandement d'un groupe à l'autre et dans des contextes différents. La question n'est pas de faire régner l'uniformité, mais de comprendre et même d'apprécier les différentes façons qu'ont les gens de regarder les choses. Si votre groupe, notamment, envisage une action risquée, vous devez prendre le temps de vous préparer correctement, en comprenant les différentes attitudes de chacun/e face à l'action et vos préférences quant à la façon de répondre au risque.

La façon dont vous comprenez le contexte au sein duquel vous agissez a une incidence sur votre choix de méthodes. Certaines commentatrices/-teurs distinguent parfois les formes d'action « conventionnelles » et « non conventionnelles ». Cela étant, le contexte peut tout modifier. Dans une société fermée, le simple fait de « dire l'indicible » ou de « briser le silence » par des moyens tout ce qu'il y a de plus conventionnels peut avoir un impact énorme, voire explosif, et même servir de catalyseur. Dans d'autres contextes, en revanche, l'action « non conventionnelle » — comme la désobéissance civile ou les grèves — peut avoir été encadrée ou normalisée. Soit parce que les non-participants ignorent l'action menée en pensant « Tiens, c'est encore elles/eux qui refont leur truc », soit parce que les participants eux-mêmes se sont englués dans une forme d'action devenue routinière. Certains théoriciens du mouvement social (voir Doug McAdam, Sidney Tarrow et Charles Tilly, Dynamics of Contention, Cambridge University Press, 2001, p. 7–9) ont suggéré que parler d'action « transgressive » et « encadrée » est une distinction plus utile qu'action « conventionnelle » / « non conventionnelle », parce que cela prend en compte la différence d'impact que peuvent avoir plusieurs formes d'action dans des contextes différents. Certaines différences à l'intérieur de votre groupe (par exemple, les attitudes à l'égard d'une activité illégale) peuvent être freinées par des analyses diversifiées du contexte de votre action.Pour plus d'information sur les contextes, voir « Envoyer le message de protestation », p. , et « Maîtriser le stress et la tension de la prise de position », p. .

Que cherchez-vous ?

En tant que militant/e, vous devez réfléchir à ce que vous attendez d'un groupe. Cherchez-vous d'un groupe qu'il attire une grande variété de personnes ? Cherchez-vous un groupe constitué de gens qui partagent de nombreuses attitudes et convictions et qui les affirmeront haut et fort ? Y a-t-il moyen de combiner ces deux options ? Par exemple, pourriez-vous faire partie d'un groupe d'affinité promouvant la non-violence dans le cadre d'une campagne plus large ?

Jusqu'à ce que votre groupe commence à agir, vous ne savez pas quel impact vous pouvez avoir. Les groupes ne sentent généralement pas les possibilités d'ouverture dont ils disposent avant de se manifester en public. Les femmes qui ont participé à la première manifestation des Mères de la Plaza de Mayo à Buenos Aires étaient seulement quatorze ; d'autres mouvements plus puissants ont même commencé plus modestement. Des actions simples, modestes, ont eu des conséquences beaucoup plus importantes que nul ne l'aurait imaginé. Il faut toutefois reconnaître qu'un grand nombre d'actions ont des conséquences bien moindres. Un groupe d'action non-violente doit avoir conscience de l'éventail complet de son répertoire d'actions, savoir clairement où il va et être capable d'analyser le contexte à l'intérieur duquel il travaille. Ce manuel inclut par conséquent des informations sur la façon de se préparer à agir, de construire une campagne et d'évaluer les résultats de l'action.

Prise de décision

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À l'intérieur des mouvements non-violents, et notamment pendant des actions (directes) non-violentes, la prise de décision nécessite une attention particulière. La non-violence est plus que l'absence de violence ; elle est étroitement liée à des questions de pouvoir, aux façons dont les décisions sont prises. Pour éviter de nouvelles formes de domination au sein d'un groupe, les processus de discussion et de prise de décision doivent être participatifs et autonomes.

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Durée : 45 minutes.

Objectif ou visée de l'exercice : aider les participant·e·s à voir que tout le monde a virtuellement un certain pouvoir et transmettre l'approche non-violente fondamentale du pouvoir – le fait que le pouvoir provient de l'obéissance rendue, et qu'il existe plusieurs sortes de sources de pouvoir.

Mode d'emploi / Notes pour la facilitation

Introduisez l'exercice en demandant aux personnes une définition du pouvoir. Vous obtiendrez probablement des formules comme « le contrôle des autres », « la capacité à produire un effet », « faire que les choses arrivent ». Certaines personnes établissent une distinction entre « pouvoir sur » (domination ou menaces) et « pouvoir avec » (coopération ou collaboration). Expliquez que cet exercice porte sur la compréhension du « pouvoir sur », afin que les groupes travaillant au changement social puissent identifier les applications pratiques de leur « pouvoir avec », et concrètement leur capacité à avoir un impact positif sur le monde.

Description : demander aux participant/e/s de nommer sans réfléchir toutes les personnes et les groupes qui ont un pouvoir dans une école. Vous obtiendrez bientôt une liste comportant pratiquement toutes les personnes en question. S'il manque un groupe ou une fonction importante (gardien, administration centrale/ministère...), vous pouvez l'ajouter vous-même. L'idéal est de disposer de deux tableaux différents, pour écrire les noms sur une feuille et les sources de pouvoir sur une autre. Si vous travaillez sur une seule feuille, laissez assez de place entre les noms pour être en mesure d'ajouter la source de pouvoir correspondante.

Demandez ensuite pourquoi « X » détient du pouvoir ? D'où vient ce pouvoir ? Quelle en est la source ? Pourquoi les gens font-ils ce que X dit de faire ? On n'a généralement pas le temps de procéder ainsi pour la liste entière, mais assurez-vous de passer en revue la direction, les élèves, la/le gardien/ne, le secrétariat, les parents et l'administration centrale (ministère). Vous aurez ainsi un bon échantillon des sources de pouvoir. Notez les réponses des participant/e/s en utilisant des couleurs d'encre différentes.

La troisième étape consiste en une discussion, avec facilitation, portant sur le pouvoir en général. Notez les principales suggestions des participant/e/s avec une nouvelle couleur. Tâchez de faire ressortir le point central de cet exercice, à savoir que le pouvoir de quelques-uns dépend de l'obéissance de tous les autres. Les personnes qui sont en position d'autorité et de pouvoir ont acquis cette position parce que, consciemment ou non, d'autres ont transféré sur elles leur propre pouvoir.

Notes pour les formatrices/-teurs

Les professeurs, ce qui est tout à fait compréhensible, et d'autres personnes peuvent souhaiter parler des caractéristiques de la vie à l'école plus longuement qu'il n'est utile, ce qui peut biaiser les choses. Il se peut que vous deviez gentiment veiller à faire avancer l'exercice. La question du pouvoir est un sujet de discussion énorme et les débats peuvent se développer dans des directions, certes intéressantes, mais n'allant pas dans le sens souhaité. Soyez donc prêts à faire revenir les participant/e/s aux questions principales.

Cet exercice est tiré du site Web de Turning The Tide : http://www.turning-the-tide.org/resources/manual/powerchange#full_list.

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